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Servitude de vue et vis-à-vis : ce que dit la loi lorsqu’un voisin modifie ses fenêtres

Dans les copropriétés, les questions de voisinage peuvent parfois tourner au casse-tête juridique, surtout lorsqu’il s’agit de vue directe sur la propriété d’autrui.

Un récent arrêt de la Cour de cassation illustre parfaitement les subtilités du droit en matière de servitude de vue.


Le contexte : des fenêtres modifiées sur un mur mitoyen.

Un copropriétaire, également syndic bénévole de l’immeuble, constate que son voisin a remplacé des verres opaques fixes (type pavés de verre) par des fenêtres coulissantes transparentes, posées sur un mur mitoyen. Ces nouvelles ouvertures permettent une vue directe sur son lot et, pire encore, empiètent physiquement sur son espace.

Estimant ses droits bafoués, il saisit la justice pour demander :

  • le rétablissement des anciens dispositifs opaques,

  • la suppression des châssis coulissants,

  • et la fin de l’empiètement.

Le voisin, pour sa part, se défend en avançant deux arguments :

  1. Les dimensions des ouvertures sont restées inchangées ;

  2. Une servitude de vue aurait été acquise par prescription trentenaire (usage paisible et continu pendant 30 ans).


Décisions de justice : la Cour de cassation remet les pendules à l’heure.

Si la cour d’appel avait donné raison au voisin, la Cour de cassation a cassé cette décision. Voici les principes qu’elle rappelle avec force :

  • Article 675 du Code civil : aucune ouverture ne peut être pratiquée dans un mur mitoyen sans le consentement exprès du voisin. Autrement dit, même en copropriété, on ne peut percer ou modifier une fenêtre mitoyenne sans un accord écrit clair de l’autre copropriétaire.

  • Le silence ou l’inaction du voisin ne vaut pas consentement. Le fait que les travaux n’aient pas été contestés à l’époque ne suffit donc pas à les légitimer.

  • La servitude de vue par prescription ne peut s’acquérir qu’à la condition de prouver un usage continu et non contesté d’une vue transparente pendant au moins 30 ans. Or, la cour d’appel n’avait pas vérifié si tel était bien le cas.


À retenir.

Cet arrêt rappelle plusieurs points essentiels :

  • La mitoyenneté ne donne pas tous les droits : un mur commun n’autorise pas à y créer des ouvertures donnant vue sur la propriété voisine sans autorisation explicite.

  • Les servitudes de vue s’acquièrent difficilement : il ne suffit pas d’avoir une ouverture depuis longtemps, encore faut-il qu’elle permette une vue directe et transparente, et que cet usage ait duré sans interruption pendant 30 ans, sans opposition du voisin.

  • Les juges tiennent compte des aménagements modernes (fenêtres coulissantes, vitrages spéciaux…), mais seulement si ces dispositifs ne permettent pas une vue effective sur le fonds voisin (par exemple, vitrages dépolis ou fixes).


Modifier une fenêtre ou en créer une sur un mur mitoyen n’est jamais un acte anodin. Même en cas d’aménagement a priori discret, la loi protège la vie privée et la jouissance paisible de son bien. Avant tout changement, mieux vaut demander un accord écrit ou consulter un professionnel du droit pour éviter les mauvaises surprises… trente ans plus tard.


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